Isabelle Stengers : « Une autre science est possible ! Manifeste pour un ralentissement des sciences »

L’idée de cette page est de faire un résumé des points principaux pour chaque chapitre du Manifeste pour un ralentissement des sciences écrit par Isabelle Stengers. Le livre est une compilation de 5 textes qui avaient été écrits pour différentes occasions (articles, colloques) mais qui sont regroupés sous la même idée qu’une autre science est possible et, j’irai plus loin, doit être envisagée.
Le corps de texte principal tel que disponible ici est un mélange de citations du livre, soit telles qu’écrites dans le livre, ou remaniées et/ou légèrement modifiées par mes propres mots. A la fin de chaque compilation d’extraits, j’ai ajouté un paragraphe rassemblant les notions principales abordées dans le chapitre en question.

Je n’ai aucune prétention à avoir tout compris de ce livre, l’idée ici est plutôt de partager une lecture qu’il me parait important d’avoir en tant que scientifique et d’en énumérer quelques points importants, du moins à mes yeux.

Aux personnes à l’aise avec la lecture anglophone, je conseille la très bonne opinion/revue du manifeste de Stengers par Philip Conway, accessible ici.

Enfin, Isabelle Stengers est régulièrement invitée à la radio. Vous pouvez ici écouter un très court entretien sur France Inter (8 minutes!) à propos de la sortie de son livre en 2013 et des points importants qu’il contient. Ou alors ici une émission plus longue de France Culture (39 minutes) où elle fut invitée avec Dominique Pestre à discuter sur la question “De quoi faut-il sauver la science?”. Plus récemment, elle fut invitée à l’émission de radio “La méthode scientifique” ici sur France Culture (53 minutes). On y fait d’ailleurs mention de cette page !
Enfin dans la même veine, vous avez cet entretien sur France Inter à nouveau (54 minutes) avec Etienne Klein, autre philosophe des sciences, venu discuter de ce qui menace l’esprit scientifique (indice: l’urgence!). Bonnes écoutes!

Chapitre I : Pour une intelligence publique des sciences

« Il faut réconcilier le public avec sa science. »
Tout citoyen devrait avoir un minimum de « bagage scientifique » (literacy) afin de comprendre le monde dans lequel nous vivons, et notamment pour accepter la légitimité des transformations de ce monde que les sciences rendent possibles. De fait, quand il y a résistance publique contre une innovation soutenue par les scientifiques (ex : OGM), le diagnostic habituel est un manque de compréhension : le public ne comprendrait pas que la modification génétique des plantes n’est pas essentiellement différente de ce qu’ont fait les agriculteurs depuis des millénaires à ceci près qu’elle est plus efficace et plus rapide.
D’autres demandent la compréhension de la méthode assurant une « scientificité » car le public ne comprendrait pas non plus qu’il y a des questions que les scientifiques n’ont pas à poser, il aurait tendance à mélanger « faits » à « valeurs ». Il ne s’agit pas de refuser aux citoyens le droit d’accepter ou de refuser une innovation mais ils doivent le faire pour des raisons solides, sans confondre faits scientifiques et convictions/valeurs qui sont les leurs.
Les sciences sont donc un modèle que tout citoyen pourrait suivre dans sa vie quotidienne => base de toute démarche rationnelle.
Ces arguments justifient aujourd’hui le mot d’ordre des autorités publiques face à la méfiance relative de beaucoup de citoyens ou au scepticisme face au caractère bénéfique du rôle des scientifiques dans la société : « il faut réconcilier le public avec sa science ».

Matter of concern vs matter of fact:

  • concern = “politisation” (vu comme quelque chose de négatif): Penser, hésiter, imaginer, prendre parti pour différentes situations se présentant. Ce processus exclue l’idée de « la » bonne solution, impose des choix souvent difficiles après hésitation, concertation, peut-être protestation
  • fact = situation qui devrait emporter le consensus

On est sur un discours visant la compréhension du public, alors qu’on devrait plutôt favoriser une intelligence publique des sciences, rapport intelligent à créer aux productions scientifiques mais aussi aux scientifiques.

Le caractère généralement bénéfique du progrès scientifique est tenu pour acquis. La petite question de savoir pourquoi ce progrès peut aujourd’hui être associé à un « développement insoutenable » ne sera pas posée.

Les scientifiques savent que l’économie de la connaissance marque une rupture avec un compromis qui leur assurait un minimum d’indépendance vitale. Mais ils ne peuvent pas le dire en public car il existe la crainte que si le public découvre la manière dont la science « se fait », il perde confiance et réduise toute proposition scientifique à une simple expression d’intérêts particuliers. Les gens doivent continuer à croire à la fable d’une recherche « libre », animée par la seule curiosité, à la découverte des mystères du monde.
=> Les scientifiques ont de bonnes raisons d’être inquiets mais ils ne peuvent pas le dire. Ils ne peuvent pas plus dénoncer ceux qui les nourrissent que des parents ne peuvent se disputer devant leurs enfants. Rien ne doit rompre la croyance confiante en la Science, ni inciter « les gens » à se mêler de questions qu’ils sont, de toutes façons, incapables de comprendre.

Jean-Marc Lévy-Leblond : « Si ces frères ennemis, le scientisme et l’irrationalisme, prospèrent aujourd’hui, c’est que la science inculte devient culte ou occulte avec la même facilité »

S’il doit y avoir une intelligence publique des sciences, un rapport intelligent, c’est-à-dire intéressé mais lucide, à leurs propos, cette intelligence concerne aussi bien les scientifiques que « les gens », tous vulnérables à la même tentation.
Problème principal : il n’y a pas de connaisseurs, spécialistes avertis, suffisamment pour qu’existe une culture active (impliquant une production conjointe entre scientifiques et connaisseurs avertis) où il serait possible d’évaluer l’information donnée, d’en discuter la pertinence, de faire la différence entre propagande et pari risqué.
En effet, l’existence de tels connaisseurs ou amateurs constitue pour les spécialistes un milieu exigeant, qui les contraint à entretenir avec ce qu’ils proposent un rapport « cultivé » : ils savent le danger de passer sous silence les points faibles, car celles et ceux à qui ils s’adressent feront attention aussi bien à ce qui est affirmé qu’à ce qui est négligé ou omis.

La « confiance indifférente » de ce public que les scientifiques estiment devoir protéger contre les doutes signe avant tout l’absence d’un milieu de connaisseurs exigeants, susceptibles de contraindre les scientifiques à prendre garde à leur jugements normatifs quant à ce qui compte et ce qui est insignifiant, à présenter leurs résultats sur un mode lucide, c’est-à-dire à les situer activement en relation avec les questions auxquels ils répondent effectivement et non comme réponse à ce qui fait l’objet d’un intérêt plus général.

Il faudrait un ‘amatorat’ distribué, une multiplicité de connaisseurs assez dense pour que ceux qui ne sont pas connaisseurs dans un domaine puissent savoir que si jamais un domaine devait les concerner, ils pourraient l’approcher de manière intelligente grâce au milieu des connaisseurs qui s’est déjà formé à son propos.
/!\ connaisseurs =/= autodidacte : les connaisseurs ne défendent pas de savoirs alternatifs, cherchant une reconnaissance professionnelle
L’intérêt des connaisseurs pour les savoirs produits par des scientifiques est distinct de l’intérêt des producteurs de ces savoirs (bigger picture, pours et contres), ils sont donc susceptibles de jouer un rôle crucial qui devrait être reconnu par tous ceux pour qui la rationalité compte. Agents d’une résistance aux prétentions des savoirs scientifiques à une autorité générale, ils participeraient à une production de « savoirs situés ».
Le risque d’une confiance aveugle (i.e. l’absence d’une intelligence publique des sciences) est de basculer en méfiance et hostilité, complotismes, dogmatismes, d’autant plus facilement que les liens entre recherche et intérêts privés seront toujours plus denses et les scandales des conflits d’intérêts toujours plus nombreux.
Les scientifiques qui luttent pour garder un minimum d’autonomie ne pourront pas juste appeler à « sauver la recherche » mais devront oser dire ce dont il faut la sauver, devront rendre publique la manière dont ils sont incités ou même contraints à devenir de simples fournisseurs d’opportunités industrielles. Ils auront besoin d’une intelligence publique susceptible de les entendre.
Ce soutien public intelligent se mérite !

  • Il est nécessaire d’entendre et de prendre en compte et au sérieux les questions et objections aujourd’hui trop souvent renvoyées à une opinion « qui ne comprend pas la science ».
  • Il est nécessaire de remettre en cause et en question la méfiance profondément ancrée envers tout risque de mélange entre « faits » et « valeurs », cette opposition entre rationalité scientifique et opinion, entre loyauté scientifique et conscience citoyenne.

Il semble que la curiosité, bien plus que la réflexivité critique si chère aux épistémologistes, soit ce qu’il s’agit de nourrir, de libérer des jugements quant à ce qui compte et ne compte pas. Et que cette curiosité soit capable de rassembler des étudiantes de différents champs, de leur permettre de travailler ensemble, d’être confrontés ensemble à des situations qui les forcent à prendre de la distance par rapport à leurs abstractions favorites respectives, et surtout de vaincre une double peur : celle des scientifiques d’être confrontés à des questions « qui les dépassent » et celle des « littéraires » ou « sciences humaines » face à l’autorité des sciences dites dures. Bref, développons un goût pour cette « intelligence » (comprendre ici, la capacité à se décentrer, à écouter les autres points de vue et perspectives, etc.). Il n’y aura pas d’intelligence publique des sciences si les scientifiques eux-mêmes ne prennent pas ce goût.



Dans ce chapitre, il est question de la relation entre monde académique et grand public. Il devient urgent d’associer le public aux questions scientifiques quand elles le concernent directement (progrès, innovation scientifiques importées dans la société) mais aussi de façon générale. Il est en effet important de pousser à l’émergence d’un milieu d’amateurs scientifiques, qui joueraient non seulement le rôle de pont entre le jargon et les méthodes scientifiques et les intérêts du public, mais aussi à permettre l’existence d’aller retours entre milieu scientifique et milieu non scientifique. Cette nouvelle dynamique, cette intelligence publique des sciences, permettrait

  • D’avoir un support du public lorsque les intérêts industriels, économiques et la course au progrès mettent en danger le bon fonctionnement des sciences (on peut faire le lien avec le projet LPPR actuel qui est une bataille entre politique et académie, sans lien aucun avec les autres parties de la société), potentiellement au détriment des citoyens (science bâclée, science à la botte de = qualité diminuée)
  • De contrer l’érosion de la confiance du public en les revendications scientifiques et donc de lutter contre l’avancée de l’obscurantisme ou du complotisme (ou autres courants similaires)
  • D’être un gage de qualité des recherches scientifiques et de contraindre les scientifiques à prendre garde à leurs jugements normatifs (ex : ce qui compte et ne compte pas n’est pas la même chose pour tout le monde), à présenter leurs résultats sur un mode lucide, c’est-à-dire à les situer activement en relation avec les questions auxquels ils répondent effectivement et non comme réponse à ce qui fait l’objet d’un intérêt plus général. Situer les savoirs réfère aussi à la notion de transplantation (chapitre 3).

/!\ ici intelligence publique des sciences =/= médiation scientifique ou vulgarisation scientifique qui sont des processus de mise à niveau du savoir scientifique depuis l’autorité du scientifique et qui représente donc un échange unilatéral, dicté par le bon vouloir du chercheur de transmettre ou non ses connaissances et selon ses propres termes. Il faut aller plus loin.


Chapitre II : Avoir l’étoffe du chercheur

La raréfaction constatée des jeunes dans les carrières scientifiques est souvent analysée comme un symptôme social : les jeunes aujourd’hui refuseraient les sacrifices et l’engagement exigeant que demandent les « vraies » sciences et rechercheraient ce qui promet une jouissance immédiate. Les sciences seraient donc les victimes innocentes d’un fait de société.
Une vocation placée sous le signe de la curiosité, de la découverte des mystères de l’univers, des bienfaits apportés par les savoirs scientifiques est celle promue chez les jeunes (enfants). Mais à la grande aventure de la curiosité humaine présentée aux enfants se substitue le thème d’une vocation exigeant corps et âmes. Et c’est ce reproche fait aux jeunes d’aujourd’hui : le fait de ne plus accepter le consentement aux sacrifices que demande le service de la science.
Ce louage du sacrifice nécessaire impacte notamment les femmes qui ont encore à gérer la charge mentale et les responsabilités familiales.

Virginia Woolf (dans son ouvrage ‘Trois guinées’, 1938) : « Que les filles aillent à l’université mais qu’elles n’y fassent pas carrière ni dans les autres professions promettant prestige et influence. Qu’elles profitent de l’université pour acquérir des savoirs qui les émancipent effectivement, mais qu’elles restent aux marges. Car elles ne pourront modifier l’ethos que demandent ces professeurs : la rivalité agressive, la prostitution intellectuelle, l’attachement à des idéaux abstraits. » = étoffe du chercheur.

Ces traits sont davantage associés à un caractère masculin, à l’époque de Woolf c’était encore plus pregnant puisque très peu de femmes faisaient une carrière scientifique. Il est intéressant de mentionner/constater que des différences liées au genre sont encore présentes près d’un siècle plus tard quand on regarde l’évolution des carrières scientifiques.

« La seule chose susceptible de réunir des scientifiques de différentes disciplines n’est autre que la définition de l’opinion comme irrationnelle, subjective, influençable, prisonnière des illusions et apparences. » => c’est aussi le contenu que Bachelard donne à la rationalité scientifique : un « non » ascétique opposé à la véritable galerie des horreurs de l’opinion. « En droit, l’opinion a toujours tort, même dans les cas où, de fait, elle avait raison » = cri du cœur du « vrai » chercheur.

Aujourd’hui une grande partie de l’expertise scientifique a pour rôle de faire taire les inquiétudes de l’opinion, de lui faire savoir qu’elle se trompe et qu’elle est incapable de ce jugement objectif qui est le privilège des scientifiques. Et c’est parce qu’il s’agit d’un véritable devoir, consenti au nom de l’intérêt général, que la pertinence d’une telle expertise sera rarement discutée au sein du monde académique.

Quelle est cette objectivité que nous avons pour mission de défendre ?

Si les « faits » s’opposent aux valeurs et sont capables de rendre « objectivement décidable » n’importe quelle question, comment résister à l’injonction de faire prévaloir cette capacité ? Lorsque parmi les scientifiques certains ont répondu présents à l’injonction d’avoir à rendre décidable tout ce qui peut faire hésiter, l’imposture n’a pas été généralement dénoncée par leurs collègues. Eux qui avaient jugé que pour faire taire l’opinion il fallait présenter un front uni, d’une « méthode scientifique » garante d’objectivité, ont dû tolérer la prolifération de nouveaux experts armés de méthodes dont le caractère aveugle devenait synonyme d’objectivité. Les « data-based » ou « evidence-based sciences » se sont données pour mission de définir toute situation, tout enjeu, tout choix dans des termes qui permettent à des données objectivement mesurables d’évaluer et de trancher => ethos. Les débats et hésitations des collègues deviennent alors de simples opinions.
Tout ce qui pourrait donner du recul à un chercheur par rapport à sa discipline a été exclu, synonyme de « perte de temps », sinon de vecteur de doute. Le vrai chercheur n’est pas pour autant aveugle au monde qui l’entoure mais il refuse à ce monde le pouvoir de le faire hésiter.

De fait, vers qui se tourner quand on a constamment opposé objectivité scientifique et préoccupation politique ? Comment poser publiquement la question d’un désastre quand on ne veut pas que le public perde confiance en « sa » science ? Et se mêle de ce qui ne doit pas le regarder ?

L’étoffe du chercheur, sa dépendance à ce que Woolf appelait des démarcations mystiques, lui interdit de se poser avec d’autres la question de cette civilisation où nous nous trouvons. Il ne peut que geindre et tenter, mais chacun pour soi, de détourner un peu de temps et quelques moyens pour ce qu’il nommera une « bonne recherche » qui fait « avancer la science ».

Un espoir d’amélioration de cette condition de scientifique rationnellement ‘déconnecté’ du monde qui l’entoure peut se trouver à travers des exigences imposant aux scientifiques de rejouer la question de ce qui peut/doit être attendu des chercheurs. Par des exigences lui interdisant de maintenir une attitude de déni face aux questions qu’un vrai chercheur n’a pas à se poser. Par exemple, des dispositifs du type de « jury citoyen », « convention ou consultation citoyenne ». Quand ils sont efficaces, ces dispositifs ont pour vocation de résister à l’ensemble des mots d’ordre ou des jugements qui hiérarchisent les points de vue ; ils constituent des opérateurs de mise à égalité contre la mise en scène « si vous voulez discuter il faut d’abord discuter de votre ignorance » car c’est le jury qui pose les questions, demande des explications, évalue la pertinence des explications données.

Savoirs situés : ce qui a pour vocation de contester le rapport privilégié des sciences aux questions d’intérêt collectif.
Être capable de se situer, de situer ce qu’on sait, de le lier activement aux questions que l’on fait importer et aux moyens mis en œuvre pour y répondre, implique d’être redevable à l’existence des autres, de celles et ceux qui posent d’autres questions, font importer autrement une situation, qui peuplent un paysage sur un mode qui en interdit l’appropriation au nom de quelque idéal abstrait que ce soit.

Il existe des solutions mais celles-ci ne passent pas par une société qui respecterait ses chercheurs. Elles passent par une société qui forcerait ses chercheurs à ne pas la mépriser. Il s’agit d’une lutte pour que nulle position ne puisse définir comme légitime la mise sous silence d’autres, qui sont censées ne pas compter. Mais aussi une lutte à l’humour, le rire, la dérision envers le pouvoir des idéaux abstraits sont cruciaux. Démobiliser (mobiliser = être en temps de guerre, être à l’effort, être dans la rapidité d’agir, donc pas en état de réflexion), apprendre à apprécier le paysage au lieu de le traverser à vitesse maximales c’est, pour les chercheurs, apprendre à rire de ceux qui les menacent de déchéance s’ils osent de pas se consacrer tout entiers, sans questions oiseuses, à l’avancement de la science.




Ce chapitre interroge ce qui définit un chercheur, de quelle étoffe il est fait. Mais aussi quelle est sa place dans la société. Isabelle Stengers questionne la notion de sacrifice de soi, de dédication entière de sa personne pour une cause noble, celle de faire avancer la science. Elle remet en question la sainte objectivité, la rationalité dont tout scientifique doit se pourvoir pour mener à bien son travail, et l’injonction qui va avec de ne pas perdre de temps à se poser de futiles questions (comme simplement prendre du recul par rapport à sa propre discipline), à ne pas confondre faits et opinions (par exemple : la science n’est pas politique et ne doit pas l’être alors même que la science est utilisée dans des décisions politiques à la fois passivement mais aussi activement). Est également abordée l’autorité scientifique dont jouirait tout chercheur et de la façon dont elle est utilisée pour faire taire les opinions différentes et promouvoir des décisions qui doivent être basées sur des faits (objectifs, rationnels, donc l’apanage du scientifique) plutôt que sur les inquiétudes du public qui ne comprendrait pas ce dont il est vraiment question. En plus de suggérer des solutions préexistantes, mais à améliorer, dont les citoyens disposent pour nuancer, contester, remettre en cause la légitimité absolue du scientifique à imposer son point de vue, la notion de « savoirs situés » est avancée, laquelle force le scientifique à considérer d’autres points de vue que le sien, à prendre en compte les autres acteurs du paysage dans lequel il évolue.


Chapitre III : Sciences et valeurs, comment ralentir ?

Parmi les problèmes contemporains rencontrés par dans le monde de la recherche académique l’on peut trouver une perte d’autonomie de la recherche publique, une compétitivité économique, l’évaluation constante ainsi qu’une compétition pour l’excellence, devenue une condition de survie dans ce monde académique. La clé de la réussite peut alors se résumer à ces trois mots : conformisme, opportunisme, flexibilité. Notamment, le néomanagement de la recherche a eu comme conséquence une perte de la créativité. L’idée est de garantir un usage optimal, sur un mode défini par la loi du marché, de l’argent public.
La valeur d’une recherche est déterminée par les critères d’une revue où il « faut » publier (top X journals, revues de rang A). Cela influence ainsi la conception de la recherche : on pense à ce qui est en vogue = conformisme, opportunisme, flexibilité.
Avec le diktat du« publish or perish », c’est le système de peer-reviewing ou révision par les pairs qui est en train de sombrer du fait d’une pression non tenable qu’il subit, liée à la hausse conséquente du nombre de chercheur.ses et des publications soumises. Du statut de responsabilité élevée, la révision entre pairs est devenue une corvée à expédier rapidement, l’occasion de régler ses comptes, de juger la réputation d’un chercheur, ou encore d’avancer ses pions. De nouvelles définitions de modes d’évaluations présentés comme objectifs apparaissent, donnant un poids plus important aux procédés bibliométriques qu’à la compétence collégiale ; la valeur d’une publication est désormais déterminée par son nombre de citations. On assiste alors à la naissance de nouvelles stratégies pour faire gonfler ces indices (effets de cliques, système d’entre-citations) et contre lesquelles des parades ont dû être mises en place, telle une course à l’armement (évolution darwinienne).
Néanmoins, ces modes d’évaluations qui sont désormais imposés ne sont pas une attaque contre ce qui auparavant fonctionnait de manière satisfaisante. Ils reviennent plutôt à transformer en impératif rigide la pression à publier, qui avait jusque-là était déplorée comme une malheureuse dérive, avec une démultiplication corrélative des effets pervers (ex : réfractions de plus en plus fréquentes, même et surtout au sein des revues de rang A ; et phénomène plus grave, les fraudes scientifiques).
Une revendication en faveur de la qualité de la recherche consisterait à demander une diminution des publications ainsi que et afin qu’une véritable évaluation par les pairs puisse être faite : l’argument scientifique est bien déployé, les résultats sont complets, les statistiques correctes, etc.

Isabelle Stengers : « Je voudrais plaider pour un ralentissement des sciences qui ne soit pas un retour à un passé quelque peu idéalisé, où les chercheurs honnêtes et méritants étaient justement reconnus par leurs pairs. »

Ce ralentissement devrait impliquer une prise en compte de la pluralité des sciences, à laquelle devrait répondre une définition plurale, négociée et pragmatique (elle-même évaluée à partir de ses effets) des modes d’évaluation et de valorisation des différents types de recherches.
Un espoir existe dans cette direction : « Il existe des chercheurs-auteurs-critiques pour qui la « sortie du labo » mérite d’être pensée avec les mêmes exigences que ce qui se fait à l’intérieur. […] Ce qui est alors montré par l’exemple est la non contradiction entre « être situé » par l’appartenance à un collectif scientifique et « se situer » activement, c’est-à-dire créer avec d’autres des rapports qui ne visent pas la capture. »

Le chercheur n’est jamais seul dans son laboratoire (Bruno Latour) : y sont virtuellement présents tous ceux dont les objections peuvent, et doivent, être anticipées. En revanche en sont absentes toutes les questions qu’exclue la transplantation.

Transplantation : ce qui est étudié peut être extrait de son milieu et transplanté dans un autre milieu, typiquement celui du laboratoire expérimental. C’est à cette condition seulement que pourra éventuellement se produire la « réussite expérimentale », car c’est dans ce seul milieu que les questions posées peuvent recevoir des réponses « objectives », celles qui feront objet de publications ayant pour destinataires les « collègues compétents », c’est-à-dire celles et ceux qui savent comment les lire et partagent avec leurs auteurs non seulement les mêmes « milieux » avec leurs savoir-faire et leurs instruments, mais aussi les mêmes exigences quant à ce qu’est une « réponse objective », la même définition de ce qu’est un « fait » susceptible d’autoriser une interprétation bien déterminée. L’évaluation est donc rapide, non pas au sens où elle ne demande ni travail ni effort mais au sens où les objections ne mettent pas en jeu les questions de principe ou de doctrine mais correspond à une vérification de ce qui préoccupe les « compétents » : l’extension du champ de la réussite. Ici, pairs et rapidité sont les deux faces d’une même pièce.

Qu’est-ce qu’une contribution ? Qu’est-ce qui lie effectivement les collègues compétents ? Dans quelle dynamique d’ensemble ?

  • Exemple 1 : Dans les neurosciences, une contribution correspond plus ou moins à une accumulation de faits ; ce qui lie les collègues serait une forme de pacte à propos des hypothèses qu’il « faut bien faire » pour conférer une signification déterminée à ce qu’une instrumentation sophistiquée permet d’observer. Mais il ne doit pas y avoir de remise en question de ces hypothèses (tabou) !
  • Exemple 2 : En sociologie, la notion de collègues compétents est plus compliquée car la sociologie est divisée par des partages doctrinaux, des écoles de pensée différenciées. L’idée d’être évalué par ou de citer des collègues d’une autre école de pensée n’a aucun sens.

Ces deux extrêmes centrent le problème des différences entre sciences autour du lien entre collègues qui a fait la nouveauté des sciences dites modernes. Cette question du lien est dissimulée dans la séparation entre sciences dures et sciences molles : «le problème du mou est qu’il est sur la défensive, et comme tel incapable de créer une manière positivement divergente de «faire la science», avec sa dynamique collective propre.»

Faire exister la pluralité des sciences contre l’universalité de « la science » c’est s’adresser à celle-ci comme un amalgame qu’il faut dissoudre afin d’en libérer les différentes composantes dans leurs particularités.

Il existe plusieurs amalgames. Un premier amalgame est à propos de la finalité des sciences. Il existe en effet tout un pan dédié à aider à la prise de décision par des instances gouvernementales. Le philosophe Michel Foucault évoque le terme de « sciences camérales » qui regroupe les disciplines ou pratiques qui ont une vocation décisionnelle publique en réponse à une question d’intérêt publique ; une vocation informative sur un état des affaires, sur une situation en réponse à un pouvoir d’agir, d’évaluer, de réglementer, etc. Ce sont des pratiques qui ont une « autorité de la conclusion ». Un exemple parmi d’autres : les tests toxicologiques qui vont déterminer qu’un produit est sans danger pour la santé ; les tests cliniques, qui permettent de donner le statut de médicament à une molécule. On retrouve également certains travaux sociologiques : qu’ils soient commandités ou critiques, ils sont amenés à guider ou à modifier certaines décisions étatiques.
En opposition à l’autorité de la conclusion, on trouve l’autorité des faits. C’est-à-dire l’injonction à produire des « faits » autorisant à une interprétation qui sera dite « objective ». C’est ce terme « d’objectivité » qui favorise ce premier amalgame entre un objet défini par les sciences expérimentales et l’impératif d’objectivation des sciences de décisions (ou sciences camérales).

Un second amalgame concerne la réussite. La question de la réussite pourrait lier les collègues compétents, ce qui les intéresse et ce qui situe leur compétence. On retrouve autour de la définition de réussite l’opposition entre « sciences dures » et « sciences molles ».
L’ennemi public n°1 de la réussite expérimentale correspond en effet à ce que les sciences sociales ne peuvent jamais exclure : la possibilité que le « sujet » se comporte sur le mode dont il a cru comprendre que le scientifique l’anticipe. Les questions posées par les « sciences dures » n’intéressent a priori que les collègues compétents (l’intérêt de la vulgarisation scientifique est donc intéressante pour susciter l’intérêt du public et développer des conséquences ‘non scientifiques’ à leurs propositions, ou retombées). Tandis qu’une science sera considérée comme « molle » dans le cas où des non scientifiques se sentent assez compétents pour la commenter, pour donner leur opinion sur les questions posées, car les questions posées les concernent ou les intéressent.
Pour les collègues compétents des « sciences dures », la première mesure du progrès, de la réussite scientifique, est la manière dont elle triomphe de l’opinion.

Souligner le caractère extrêmement exigeant de ce que présuppose la réussite expérimentale (extraction, transplantation, purification), ce n’est pas confirmer le privilège dont bénéficient déjà les sciences « dures », expérimentales, c’est libérer l’espace pour d’autres types de réussite, qui prolonge la réussite expérimentale mais en la réinventant, en l’associant à d’autres types de conditions.

Pour les sciences sociales (non camérales), selon Bruno Latour, c’est seulement avec des protagonistes « récalcitrants », exigeant que ce qui importe pour eux soit reconnu et pris en compte dans la manière dont on s’adresse à eux, que peux se créer un rapport susceptible de revendiquer une valeur scientifique. Il est donc souhaitable que ce qui est interrogé soit effectivement en capacité de mettre en risque la question qui lui est posée.
On trouve ici une opposition à l’injonction des « sciences dures » qui requiert une indifférence de ce qui est interrogé à la question posée, autrement dit la différence entre les humains et les billes : les humains risquent de réagir à la question qui leur est posée alors que les billes se comporteront tout à fait comme elles sont censées se comporter. Cette différence, cette possibilité que les sujets comprennent comment ils « devraient » répondre, qui justifie l’attachement d’une pratique scientifique aux « sciences molles », est considérée par certaines sciences comme une malédiction qui doit absolument être contournée, évitée. C’est le cas notamment de la psychologie expérimentale puisque ce qui est interrogé devrait être un « comportement », indifférent au sens de la question qui lui est posée.

Le ralentissement des sciences ce n’est pas la réponse à la question des contrastes (plutôt que des oppositions) à créer entre sciences (dures, molles, camérales), mais c’est une condition sine qua none pour une réponse, c’est-à-dire aussi pour des pratiques d’évaluation liant les collègues sur un mode libéré du modèle de connaissances cumulatives à propos d’un monde considéré comme donné. Nos mondes demandent d’autres types d’imagination et à la pluralité de ces demandes pourrait bien répondre une pluralité de dynamiques d’apprentissage collectif, mettant en jeu ce que signifie, pour chaque science, une mise en rapport risquée (par exemple : l’évaluation par les collègues compétents, la réaction de ce qui est questionné, etc.).

Cultiver les manières d’apprendre c’est par exemple conférer à ce qui est interrogé ou étudié la capacité de mettre effectivement à l’épreuve la pertinence de la question qui (lui) est posée. Cette posture a notamment émergé dans les domaines de la primatologie d’abord, puis en éthologie. Néanmoins, malgré la timide naissance en sciences dites dures d’une telle alternative à la valeur des «faits qui prouvent», le principe du tabou reste intact. En effet, le fait que soit inclus ce qui était exclu est célébré comme un « progrès » et ne met pas en question la « méthode » [basée sur les faits] hors de laquelle tout n’est qu’anecdote insignifiante : on n’a rien appris, on a prouvé. Et c’est précisément cette posture qui pose problème !

Isabelle Stengers propose ici d’envisager un nouveau type de réalisme : l’exploration de ce que demande une réalité si ce qu’il s’agit de rapporter à son sujet est indissociable de ce qu’elle nous a contraint à apprendre. Elle fait appel à la notion d’agencement symbiotique qui serait une articulation entre des êtres hétérogènes en tant qu’hétérogènes, en tant que faisant importer autrement leurs mondes respectifs, dont chacun bénéficie à sa façon propre. Cela permettrait notamment de contrer l’hégémonie du modèles des sciences expérimentales et camérales dans leur façon de définir ce qu’est la valorisation d’une connaissance.

Un exemple de cercle potentiellement vertueux : la symbiose entre les sciences expérimentales et la technique, où la technique apporte de nouveaux outils pour augmenter la connaissance et la science expérimentale apporte de nouvelles connaissances pour améliorer les outils. Mais un agencement de symbiose est toujours susceptible de basculer dans un rapport de capture pure et simple où les intérêts d’une partie prime sur ceux de l’autre partie, rendant cette dernière au service des intérêts de la première (comme c’est désormais le cas entre sciences et innovations technico-industrielles). La transition entre symbiose et capture pure n’est pas soudaine mais est caractérisée d’abord par une raréfaction radicale progressive des protagonistes admis à intervenir dans la définition de valeur d’une innovation. L’intérêt ici de la notion de symbiose est qu’elle communique tout à la fois avec une pluralisation des modes de «valorisation» et avec une attention active portée au danger de capture.

C’est dans cette perspective que le thème du « ralentissement » des sciences communique avec la question de la formation de scientifiques capables de participer à ce déploiement [de la valeur et de la valorisation d’une innovation hors du contexte de progrès et de modernisation], c’est-à-dire avec la mise en question pratique de l’ensemble des modes d’appréciation et de jugement qui font partie de la formation des sciences mises sous le signe du «devoir» de «ne pas perdre son temps». Il existe cependant d’autres types de symbioses dans lesquelles l’antagonisme initial se transforme en une ressource pour résister à la capture. On peut prendre l’exemple des sciences sociales (non camérales) qui seraient en rapport symbiotique avec des processus grâce auxquels des groupes deviennent capables de formuler leurs propres problèmes (= recherche-action). Il n’y a alors pas d’antagonisme de ces sciences sociales par rapport à la raison d’Etat (ou la pratique de bonne gouvernance) mais une union précaire de deux manières de faire importer dont chacune est, en tant que telle, le cauchemar de l’autre.

Sur la question du mode d’évaluation de la recherche (mais aussi de toutes les pratiques porteuses de sens, c’est-à-dire susceptibles, si elles s’en reconnaissent la légitimité, de contester la pertinence des questions qui leur sont posées) :
Il peut appartenir à un problème de gouvernance agissant pour l’intérêt général de prescrire la nécessité d’une évaluation ou de constater l’inefficacité d’un mode d’évaluation existant (évaluation par les pairs). Mais ce néomanagement déployé prend la forme d’une capture sous forme de compétitivité et flexibilité au service de la croissance. La question de la pertinence de l’évaluation et comment la rendre pertinente n’est pas le propos de la gouvernance qui a ses propres catégories : « doit pouvoir être évalué ». La possibilité d’une réponse qui ne soit pas défensive (« on ne veut pas d’évaluation ! ») demande de négocier des conventions et exige la récalcitrance, la capacité d’un groupe concerné de formuler ce qui compte pour eux, ce que l’évaluation devra prendre en compte, ce qui donc constituera une « convention » acceptable [intelligence collective]. La question « comment voulons-nous être évalués ? » est une véritable épreuve exigeant la dynamique collective d’habilitation associée à la démocratie. Nous avons besoin d’un véritable interdit : que nul ne puisse être autorisé à définir « ce qui importe vraiment » afin de favoriser une culture de la symbiose (et d’éviter la capture d’une partie par l’autre) ; une culture de la capacité de chaque protagoniste à se présenter avec ce qui lui importe et à savoir que ce qu’il apprend de l’autre devra toujours être compris comme réponse aux questions qui, pour lui, importent.

Ralentir

La lenteur n’est pas une fin en soi et elle ne se résume pas à l’exigence «qu’on nous laisse tranquille» de chercheurs qui continuent à se penser en droit de bénéficier d’un traitement privilégié.

Nous avons besoin de retrouver une certaine lenteur ou ‘Slow’ (comme utilisé dans le mouvement Slow Food par exemple) : la rapidité demande et crée l’insensibilité à tout ce qui pourrait ralentir, aux frictions, frottements, hésitations qui font sentir que nous ne sommes pas seuls au monde ; ralentir c’est redevenir capables d’apprendre, de faire connaissance avec, de reconnaître ce qui nous tient et nous fait tenir, de penser et d’imaginer, et, dans le même processus, de créer avec d’autres des rapports qui ne soient pas de capture ; c’est donc créer entre nous et avec d’autres le type de rapport qui convient entre malades, qui ont besoin les uns des autres afin de réapprendre les uns avec les autres, par les autres, grâce aux autres, ce que demande une vie digne d’être vécue, des savoirs dignes d’être cultivés.
Se savoir malade c’est créer un sens du possible. Penser à partir de ce qui manque, de ce dont le manque nous rendre malades, aussi critiques et lucides que l’on veut mais crucialement incapables de résister à ce qui nous détruit. «Mieux faire» ce que nous avons l’habitude de faire ne suffira pas. Il s’agit de désapprendre la résignation plus ou moins cynique (réaliste) et de redevenir sensibles à ce que nous savons peut-être mais sur un mode anesthésié -> slow.




Ce chapitre aborde les valeurs qui définissent la science dite moderne. Isabelle Stengers pose un regard critique sur les mots maitres de la recherche actuelle permettant de viser l’excellence académique: conformisme, opportunisme, flexibilité; ainsi que sur le système malmené de l’évaluation par les pairs.
Partant des problèmes contemporains auxquels fait face le monde académique et des nouvelles pratiques de management qui cherchent à rentabiliser l’argent investi dans la recherche, Isabelle Stengers montre que ces problèmes ne sont pas une simple conséquence de la loi du marché et que le fameux adage “c’était mieux avant” ne fait que renforcer l’illusion que le chercheur aurait perdu le droit qu’il lui serait dû de pouvoir faire sa recherche tranquillement et sans devoir rendre de compte à personne.

Poursuivant son développement sur ce qui définit la finalité et la réussite scientifiques, Isabelle Stengers argumente sur la nécessité de faire exister la pluralité des sciences plutôt que de tenter d’imposer une science universelle, une science basée sur des faits extraits dans des conditions très contrôlées (c’est la notion de transplantation) et qui définit surtout les sciences expérimentales, occultant toutes les particularités, dynamiques et manières de faire des autres sciences.
Elle propose également de viser un agencement symbiotique entre différents secteurs (par exemple entre les sciences expérimentales et la technique, ou entre les sciences sociales et les politiques de l’Etat) qui permettrait à la fois de faire entendre et respecter les besoins de chaque partie (contre le phénomène de capture) et de faire valoir différents modes de valorisation des connaissances scientifiques.

Le chapitre conclue sur les bienfaits de la lenteur (‘slow’) en ce qu’elle permettrait de repenser, recréer nos rapports aux autres et à nous-mêmes, d’imaginer ou de laisser de la place à de nouveaux mondes, à de nouvelles façons de faire, de définir les pratiques qui importent et qui sont acceptables et de pouvoir négocier avec les pouvoirs en place (c’est le cas notamment pour les pratiques d’évaluation). Pour créer de nouveaux possibles, il ne suffira pas de faire mieux ce que nous faisons déjà.


Chapitre IV : Plaidoyer pour une science « slow »

Chapitre V : Cosmopolitiques. Civiliser les pratiques modernes